Il y a bien des façons de raconter sa vie, j'ai le sentiment que la mienne à commencé ce 23 mai, parce que tout à coup, tout est devenu à la fois, plus réel et plus fou...
Pourtant, le jour même, j'étais certaine d'être morte moi aussi, ou du moins, puisque j'avais survécut miraculeusement, une partie de moi l'était. Mes parents et moi, avions eu un grave accident, dont j'étais la seule rescapée.

Le comprendre avait été la plus dure épreuve de ma vie. Tout devint flou. Comme si j'avais basculé dans un cauchemar dont je ne pouvais m'échapper. Tout était étranger. Même mon journal, habité par l'écriture arrondie d'une adolescente heureuse et naïve, me parût étranger. Ma propre vie. J'étais comme morte avec eux.
Mais il y avait mon petit frère, Jérémy. Et puis, Jenna, ma tante qui était aussitôt devenue notre tutrice légale. En vertu de ces derniers êtres chers, je ne pouvais pas flancher, pas totalement.

Passé le choc, je me bâtis un courage. Je devais garder la tête haute, en leur honneur, en hommage aussi aux promesses que je leur avais faites pour mon avenir, ignorant cependant qu'ils n'en feraient pas partie, qu'ils me seraient arrachés si violemment...

J'avais ma meilleure amie Bonnie. Son amitié bienveillante fut un secours... Et puis, Caroline, l'énergique Caroline, pas toujours très psychologue, mais tellement généreuse !

Tout mon univers devait se refonder autour de ces êtres là, c'était mon devoir. Retrouver la vie alors que j'avais frôlée la mort.

Quelques mois sont passés depuis. Le matin, j'arrive à me lever, à me coiffer, à prendre mon déjeuner, à parler, à sourire même, à dire que ça va, à faire des projets ... mais je ne suis plus la même. Et je présume que ça ne trompe personne. Or, je ne m'autorise pas à en parler. Je veux vivre. J'ai eu le cadeau de survivre. Je dois vivre. Je n'ai pas le choix.

Même si cela suppose qu'aujourd'hui, demain ... ou même dans les prochains mois, chaque fois que je dirais " ça va, je me sens bien ", ce sera un mensonge. Chaque fois que je sourirais, ce sera aussi un mensonge, parce que mon désir est sans cesse de me replier sur ma douleur. Mais je ne veux plus l'écouter. Je n'en ai plus la force. Et j'ai justement la force de réussir à faire semblant, peut-être que la simulation va finir par se transformer en réalité ?

D'accord, plus rien ne sera comme avant. Mon ex petit ami, Matt, n'arrive pas à le comprendre. Je l'aime, mais comme l'ami qu'il a toujours été. Notre relation manquait déjà d'un quelque chose avant le drame, l'après drame m'a rendu incapable de faire semblant davantage. J'aimerais qu'il le comprenne, j'aimerais que la tristesse disparaisse de son visage, il est l'une des meilleures personnes que je connaisse, le voir souffrir est insupportable.

Être pom pom girl ne m'intéresse plus non plus. La musique saturée de jeune non plus. Je suis devenue quelqu'un d'autre et maintenant que l'année recommence, je commence à comprendre que ce n'est pas un mal. Je vais devoir apprendre à être cette nouvelle personne, pour cette nouvelle vie que je n'ai pas choisie. L'important c'est de continuer ... encore et toujours, pour ceux que j'aime, morts ou vivants.