Sur l'absence sans désir
Sur la solitude nue
Sur les marches de la mort
J'écris ton nom
Liberté…


J’ai toujours su qu’elle en était éprise et que viendrait le temps où ne suffiraient plus les frontières de notre ville, pourtant j’osais espérer que quelque chose la retiendrait auprès de nous. Egoïstement, j’ai cru qu’elle resterait plus longtemps auprès de moi. Je n’aurais jamais cru qu’elle puisse m’abandonner comme cela du jour au lendemain sans daigner me donner la moindre explication, sans même un au revoir. M’en voulait-elle de l’avoir étouffer de par mon admiration et mon désir de partager notre jeunesse à deux au point de vouloir fuir de la maison comme cela ? Je n’ai pas compris, j’ai simplement entendu mon père pester sous le coup de la colère et ma mère tentait de le calmer, la voix tremblante, triste. Pendant un bref instant, je les ai maudit d’avoir toujours été trop sur son dos, de l’avoir bridée dans ses désirs mais au fond, je savais bien qu’Angel n’avait jamais appartenu à cet univers et qu’elle finirait par prendre son envol, rêvant de liberté. Seulement, je n’ai jamais cru qu’elle s’en irait de sitôt et de cette façon… Et pourtant malgré ce vide immense, ce départ précipité et les images furtives qui assaillent ma mémoire de souvenirs jusqu’alors heureux, je n’arrive pas à lui en vouloir à elle. Je me dis qu’elle a eu raison de fuir le quotidien ennuyeux de Mystic Falls, de faire sa route comme elle le désirait et surtout de n’attendre l’avis de personne pour guider ses pas. Je l’envie terriblement d’avoir eu ce courage. Moi je suis restée… J’ai brûlé ce qu’il me restait de mes ailes de jeune femme et j’ai troqué mon semblant d’innocence contre une bouteille de Vodka. J’ai essuyé mes larmes et noyer mon chagrin avec tout ce qui pouvait changer la donne. Plus question de s’imposer des limites et des tabous, je veux faire honneur à ma sœur et je veux vivre comme elle sans me laisser contraindre par quoi que ce soit. Je ferme de plus en plus les yeux, c’est tellement plus facile. Fallait pas me laisser tu vois, … il est beau le résultat ! Et la première chose que j’ai toujours rêvé de faire, c’était de décolorer mes cheveux et les teindre selon mes envies au grand désarroi de mes parents. Bleu et rose sont mes teintes préférées. Le bleu parce qu’il est l’écho de mon second prénom « Serenity », ce côté apaisant qui me donne un air calme, presque angélique et rêveur. Le rose car il est signe de féminité, de séduction, de jeunesse aussi … et parce que je trouve que cela me va bien au teint. Vous n’êtes pas d’accord ?

J’ai cru finalement la revoir, mes parents également mais jamais aucunes nouvelles. Rien qu’un fantôme et ma seule consolation, des magazines de mode dans lesquels elle posait comme mannequin. Toujours aussi radieuse, toujours aussi sûre d’elle, ces images m’inspiraient et me donnaient le sentiment de rester proche d’elle un minimum. Au fond, je n’en ai pas parlé mais moi aussi, je rêverais de devenir mannequin. J’ai commencé à me renseigner, à créer des carnets de style. Bizarrement, croyez-moi ou non, je suis plutôt douée pour le dessin. J’ai griffonné par ci par là des croquis de vêtements et vous aurez aisément deviné qui est ma muse dans ces moments d’inspiration. Quand je suis à court d’idées, je m’éloigne… de la famille, de la ville. Seule, j’ai parfois le besoin d’aller me ressourcer mais je reviens toujours je n’ai pas la force de partir, pas pour le moment en tout cas. Alors je passe mon temps à me désennuyer comme bon me semble. Ici les gens se connaissent et nous savons nous amuser à Mystic Fall. Je profite de ces nuits endiablées pour me donner de l’importance, pour me sentir entourée, aimée. Une petite reine dans les soirées sans qui on s’ennuierait. Au grand dam de ma famille, Angel a été maîtresse dans l’art de quitter la maison et j’ai retenu tout ce que j’ai pu apprendre d’elle. Et également à mentir pour couvrir mes arrières et bien plus encore. Combien de fois me suis éclipsée en douce quand je découvrais un sms annonçant qu’untel faisait une fête ? J’allais y trompée mon ennui. La nuit tout paraît tellement plus enivrant, tellement plus excitant et tout nous est permis, Ô comme j’aime cette délivrance qui enivre chacun de mes sens. La musique est hypnotique et chacun de ses verres me rapproche de plus en plus de cette envie de rire, de rendre plus léger et plus superficiel chacun de mes gestes. Et ce sont des échanges, des regards et tout disparaît dans l’ivresse des plaisirs. Petite fille, à quoi tu penses entre un plaisir et deux romances ? Je ne pense pas, je vis et c’est tout ce qui compte. Ces soirs, j’irais danser sur les tables, collée-serrée avec qui voudra bien oser, je chanterais jusqu’aux premières heures, j’embrasserais la nuit et je glisserais mes mains  le long de ses reins. J’aurais bu ma journée et enterré profondément ma fausse robe d’innocente. Je ne pensais pas que mes heures m’étaient comptées et que mes 17 ans me condamneraient… Une leucémie, si jeune. On meurt tous un jour c’est vrai alors j’ai encore moins de raisons de m’imposer une ligne de conduite. De toute façon, je serais condamnée…

Je sais que je ne vivrais plus bien longtemps avant que la prolifération des globules blancs n’atteignent tout mes organes. Mes parents sont plus détruits que jamais. Une fille disparaît à tout jamais de leur existence et la seconde va leur être irrémédiablement arrachée. Je sais qu’ils s’acharnent à vouloir me sauver à tout prix mais c’est peine perdue : on ne guérit pas d’une leucémie. Les symptômes peuvent temporairement stagner, on croit que cela va mieux pendant un temps puis la personne rechute … et alors c’est la fin. Je n’ai pas le choix, je suis résignée et Carpe Diem comme on dit… Je vais profiter jusqu’au bout mais je regretterais une chose certaine… La main tremblante, je suis bien décidée à faire ce qu’il faut pour assouvir ce qui s’appellerait une dernière volonté. J’ai enfin trouvé le numéro en fouillant et en demandant à de nombreux fans, usant de malice et amadouant en mentant sans vergogne. Lentement, je compose les chiffres sur mon téléphone portable. Une sonnerie, j’espère qu’elle a son portable sur elle. Deux sonnerie, pourvu qu’elle décroche. Troisième sonnerie. J’entends enfin sa voix et son rire. Un simple allô et je suis en émoi de l’écouter de nouveau. Comment va-t-elle réagir à ma demande. Elle ne dit rien. « Angel. Reviens. J'ai besoin de toi. ». Aucune réponse de sa part… alors j’insiste, c’est important ! Je ne peux pas partir sans l’avoir revu une dernière fois. L’émotion m’étrangle et je redeviens une petite fille s’adressant à son modèle de grande sœur. Tout ce qu’elle me répond c’est « pourquoi ?» et mon cœur se déchire devant le manque de considération qu’elle me témoigne comme si les treize années passées ensemble n’était finalement qu’un dessin à la craie qu’on efface du tableau noir. Je prononce difficilement les mots suivants, réitérant mes paroles comme une supplication « J'ai... besoin de t... de toi, Angel. Reviens. ». Son silence pèse trop lourd à mes oreilles et pourquoi reviendrait-elle si c’est pour être prisonnière de sa famille alors qu’elle a enfin réussi à mener la vie libre dont elle jouit pleinement désormais. Mon seul espoir réside dans le fait qu’elle aura peut-être envie de me revoir si jamais elle sait, si je lui donne une bonne raison. Je dois lui dire même si par téléphone, ce n’est pas la meilleure des façons de lui annoncer. Je n’ai rien à perdre. « J'ai une leucémie. Je vais bientôt mourir, grande sœur. ». Pas un mot de plus. Je t’attends, je t’espère sans savoir si tu daigneras m’accorder un tant soit peu de ta liberté.